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Article publié le 05 Sept. 2015

Les enjeux montent pour les compagnies de pari

Par: Aurélien Massot

Lorsqu'elle n'est pas occupée à envoyer des camions immigrants à Douvres, ou à humilier un prétendu Roméo ou encore à faire mine de raser des kilomètres de la forêt pluviale amazonienne, il s'avère que l'équipe de communication de Paddy Power a en réalité des dons de divination.

Il y a un mois, entre un post de 140 caractères qui défendait un but marqué par le joueur Malaisien curieusement nommé Patrick Ronaldinho, et un rappel pour célébrer la Tequila Day, il y eut un tweet qui attira plus l'attention de certaines personnes que d'autres.

L'équipe à l'origine de ce tweet irrévérencieux de la firme de pari irlandaise le mois passé annonça « en exclusivité », juste après la fusion de Ladbrokes avec Coral, qu'il se préparait une fusion avec son rival Betfair pour créer une nouvelle marque « Betty Power ». Vous ne pouvez pas imaginer à quel point les responsables au siège principal de Paddy Power à Dublin retinrent leur souffle.

Pour les négociateurs qui travaillaient en secret sur la collaboration avec Betfair, voir partir en fumée un accord à plusieurs milliards de livres, à cause d'un tweet stupide qui aurait vendu la mèche, aurait été un peu trop difficile à encaisser. Toutefois, il est juste de dire que le tweet de « Betty Power » (publié le 24 juillet) avait été classé dans la catégorie « badinage » par les fonds spéculatifs qui avaient créé des boites noires pour dénicher et utiliser les rumeurs de fusions et d'acquisitions.

Cependant, la vraie question maintenant n'est pas de savoir si le tweeto en savait plus qu'il ne le devrait, ou si le panel de prise de contrôle a ne serait-ce que pensé à faire une enquête, mais plutôt de découvrir ce qu'il arrivera à la compagnie William Hill qui est à présent reléguée au second plan, étant donné le rythme effréné de fusions-acquisitions qui surviennent dans le secteur du pari.

Si les accords mentionnés dans le secteur éclatent au grand jour, Hill aura, en seulement un mois, quitté la première place du classement des plus grosses firmes de pari en Angleterre pour se retrouver à la troisième place. Le premier coup fut porté par les anciens numéros deux et trois, Ladbrokes et Coral, qui confirmèrent leur accord de 2,3 milliards de livres pour la création d'une énorme boutique de pari le mois passé, nouvelle firme qui pourrait prendre la première place. La fusion annoncée entre Betfair et Paddy Power combinera deux importantes plateformes en ligne pour créer l'une des plus modernes boutiques de pari en Angleterre et en Irlande, laquelle aura pour objectif d'occuper la seconde place.

Les activités de fusion-acquisition entre les grands opérateurs de jeu sont régies par des réglementations plus strictes et des taxes plus élevées, ce qui a soumis l'industrie à une pression sans précédent. Du fait de la hausse des coûts liés au respect des réglementations, ce que Breon Corcoran, Directeur Exécutif de Betfair, qualifia de catalyseur pour les pourparlers, William Hill et son Directeur général James Henderson ne peuvent se permettre de ne rien faire. Toutefois, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'espoir pour le grand opérateur sportif. Après tout, il existe d'autres situations dans le secteur qui pourraient donner matière à réflexion à Henderson.

En février, William Hill essaya de racheter la marque 888 pour 720 millions de livres. Cela s'est terminé en queue de poisson, après qu'il devint évident que Avi Shaked, l'actionnaire majoritaire de 888, était réticent à vendre ses actions au prix mentionné, et qu'il voulait plutôt un accord qui l'amènerait lui et le reste de sa famille, laquelle contrôle 48% des parts de la société, à recevoir plus que les autres investisseurs.

Une telle proposition, qui aurait été contraire aux règlementations en vigueur en Angleterre, fut possible du fait que 888 soit accrédité à Gibraltar, mais l'idée ne plaisait pas du tout à la famille cofondatrice Ben-Yitzhak, qui détenait 10,5% des parts de la société.

L'arrêt des négociations engendra une confrontation entre les actionnaires et Brian Mattingley, le Directeur Général de 888, dispute qui se solda par un accord qui stipulait que la famille Shaked soutiendrait l'administration. En mars, Mattingley qui fut entre-temps promu au poste de Président Exécutif, déclara que les actionnaires de 888 ne « vendaient pas pour de l'argent, mais soutiendraient le fait que 888 fasse office de consolidateur ». Il ajouta qu'ils préféreraient avoir une association à partage équilibré avec un rival, qui serait considérée « comme une action positive », plutôt qu'une acquisition en espèces.

Ce supposé feu vert absolu accordé à 888 pour être le prédateur plutôt que la proie l'amena rapidement à faire des avances à son rival en ligne Bwin.Party, lequel cherchait un acquéreur depuis des mois. Cependant, ces avances semblent prendre un coup, étant donné que le rival GVC, qui fit ses premières incursions bien après que 888 ait fait sa proposition, semble maintenant être en pole position pour Bwin, même en dépit du fait que 888 offre plus d'argent que son concurrent.

Si Bwin tombait entre les mains de GVC, alors 888 n'aurait probablement plus qu'à se tourner vers William Hill. Étant donné que 888 est basé à Gibraltar, William Hill a à tout moment le droit de se rétracter en cas de meilleure offre, au lieu d'être relié à la règle de détention préventive de six mois en vigueur au Royaume-Uni. Cependant, avec une capitalisation de marché de 3,5 milliards de livres qui écrase le marché de 888 s'élevant lui, à 557 millions de livres, une fusion équitable entre William Hill et 888, comme semblent le vouloir âprement les Shaked, semble improbable.

On comprend que contrairement aux actionnaires, Mattingley de 888 soit pragmatique, bien que William Hill ne veuille probablement pas être éconduit deux fois avec une approche hostile. Cependant, lorsque les tractations atteignent un niveau si élevé, la peur de passer à côté s'installe, ce qui amène les compagnies à prendre des mesures plus osées qu'elles ne le seraient en temps normal.

D'un autre côté, William Hill pourrait retourner sa veste et aller vers Paddy Power. Il n'y a rien de tel qu'un marché conclu, comme les fonds spéculatifs aiment à le dire, mais il n'est pas évident de rompre un accord entre deux rivaux après des semaines d'intenses négociations, et cela pourrait mettre Henderson de William Hill dans une délicate position, où il ne serait pas en mesure de réaliser des profits avec un pari où les enjeux sont aussi élevés.